« Je n’enseigne pas, je m’amuse ».
En tombant sur ces photos et vidéos sur mon statut WhatsApp, illustrant mon cours sur la diversité culturelle, des personnes ont eu à me demander si en philosophie il y a des exposés à faire ou si la philosophie a changé entre temps😄. Cela m’a fait trop rire. Sont-elles étonnées par l’implication des élèves ou par le fait de voir des choses qui leur sont familières en plein cours de philosophie ? C’est peut-être les deux à la fois.
Philosopher, c’est réfléchir sur l’humain, s’intéresser sur son vécu et essayer de déchiffrer le sens de la vie. Enseigner à l’élève la philosophie nécessite alors qu’on lui montre à quel point le cours lui parle par des procédés multiples suivant le choix du professeur et les moyens logistiques dont il dispose. Les appréciations peuvent être diverses. Ce qui est tout à fait normal puisque la pédagogie n’est pas une science exacte, elle n’est pas non plus homogène mais à mon avis, tant que l’élève se retrouve dans le cours , tant que l’élève se rend compte que le cours lui parle , tant que l’élève se sent impliqué, tant que la mise en scène les attire, il y a alors une base sur laquelle s’appuyer pour faire le cours en suivant les objectifs pédagogiques déclinés .
Voir le prof qui leur parlait tantôt de Socrate, tantôt de Kant ou Aristote, mettre en œuvre des points essentiels de sa culture est tout aussi intéressant.
Puisqu’il fallait parler de la diversité culturelle, j’ai jugé qu’il serait mieux que des élèves nous fassent part de quelques éléments de leur culture et échanger avec les autres. Ceci pour montrer que le fait culturel est présent dans toutes les sociétés et c’est à nous de préserver cette diversité culturelle et promouvoir le respect de la différence. Autrement, le vivre ensemble ne serait pas possible.
Les uns ont abordé la cérémonie du mariage, d’autres ont parlé de l’importance de certains outils culturels et des principes qui leur sont chers . Tout cela dans l’écoute et l’attention requises avant d’ouvrir le débat vers lequel nous mène le relativisme culturel. Un cours, à mon avis, est d’abord et avant tout une mise en scène dans laquelle l’élève est au centre. C’est pour cette raison que j’ai du mal à me passer de certains aspects tellement suis préoccupée par mon auditoire. Ce que je dis leur est-il accessible? Quel lien pourraient-ils en faire avec la réalité ? Se sentent-ils concernés ? Toutes ces questions m’intriguent au point que je passe beaucoup plus de temps (lors de la préparation du cours) à imaginer une entrée en matière que le contenu à dicter. Ce dernier n’est d’ailleurs pas la tâche la plus compliquée du moment où les élèves , grâce à la magie de l’internet, peuvent trouver mieux que ce que le professeur leur dicte. Mais lorsqu’on met plus l’accent sur le « comment enseigner ? » à la place du « que dicter? », c’est là où cela devient plus intéressant.
Un cours aussi actuel que la diversité culturelle nécessitait (à mon niveau) une petite illustration même si nous sommes conscients que nous n’avons évoqué qu’un tout petit aspect. Comme le disait mon binôme Djibril Diouf, c’est en plus le cours le plus essentiel du domaine II. Et si les élèves comprennent et vivent le message qu’on leur transmet, ils seront à l’abri du mépris de l’autre, qui n’est pas, au fond, si autre ou si different que ça. Car au dela de cette diversité, il y a un élément qui nous sous-tend tous, c’est notre humanité, notre capacité à créer une culture pour nous adapter à la vie, au monde, à l’univers. Ce qui nous mettrait à l’abri de ce que la Birmanie a vecu avec les Rohingya, le Rwanda avec le genocide des Tutsi, la Chine avec les Ouïghours, la Centre afrique avec les Seleka et les anti-balaka, j’en passe…
Par ailleurs, pour éviter que cette illustration ne ressemble qu’à un simple « mardi gras », des problématiques sont soulevées. Ce qui nous amène à réfléchir sur un ensemble de questions. Certes, l’habillement ou certaines prestations d’élèves ne sont pas suffisants pour déterminer une culture quelconque mais on pourrait tout de même y lire quelques traits culturels. Dans un monde marqué par le dialogue inter culturel, c’est aussi l’occasion de faire comprendre aux élèves qu’il n’y a pratiquement plus un aspect de la culture qui serait spécifique à une seule culture tellement le brassage culturel est important.
Ce n’est qu’une approche que j’expose là, encore une fois, elle n’est pas universelle. Tout comme la culture est une affaire de « ressenti », il y a également du « ressenti » dans notre façon d’introduire nos leçons, dans notre façon d’enseigner. L’autre ne disait-il pas qu’on enseigne ce qu’on est ou qu’on enseigne comme on est?
Quoi qu’il en soit: « je n’enseigne pas, je m’amuse ». Fort heureusement !
En compagnie du poulho et de la mauresque.
Mme Sylla Fatoumata Tacko SOUMARE
Professeur de philosophie et doctorante au département de philosophie.