Un regard sur l’enseignement franco-islamique au Sénégal : l’exemple de Darul Hikmah
Son Excellence, M.Khare Diouf , dans un de ses posts sur facebook, s’est réjoui de la réussite de sa fille au baccalauréat série S1 et n’a pas manqué de préciser son contentement dû à l’aspect particulier de l’école (du type d’école devrait-on dire) où sa fille a fait tout son cursus scolaire. Il s’agit bien de l’enseignement franco-islamique. Effectivement, il y a de quoi s’arrêter là-dessus pour, au moins, aborder leur particularité. Nous confondons généralement les écoles franco- islamiques et les écoles franco- arabes alors qu’elles se distinguent nettement. Ce que l’on connaît le plus souvent au Sénégal, c’est l’enseignement franco-arabe. Quant aux écoles franco-islamiques, c’est récemment que l’on s’y intéresse de plus en plus. Notre intégration à Darul Hikmah (La Maison de la Sagesse) en tant que professeur de philosophie nous aura permis d’écrire quelques lignes sur cette école en particulier, et sur le programme des écoles franco-islamiques par extension.
Les grandes questions que nous nous posions étaient les suivantes : comment enseigner la philosophie à des élèves qui sont fortement encrés dans les valeurs religieuses avec un programme islamique bien défini ? Auront-ils un esprit critique ? Seront-ils assez ouverts d’esprit ? Qu’en serait-il des points des aspects du cours qui sont en déphasage total avec l’Islam ? Quelles réactions pourraient-ils susciter ? Toutes ces questions n’ont cessé de nous intriguer mais il fallait se lancer. Il est vrai qu’au début, on a tendance à douter du niveau des élèves issus d’un système d’enseignement particulier. Mais à force de les côtoyer et d’assister aux réunions de l’administration, nous avons fini par comprendre la vision de l’école.
Loin d’être des gens dogmatiques, réfractaires à la critique, leur équipe pédagogique œuvre pour une amélioration de l’enseignement au Sénégal. Ayant un projet de société à mettre en place et dans le souci d’avoir des cadres musulmans « enracinés et ouverts », éclairés, engagés et surtout sociables, l’administration de l’école ne ménage aucun effort pour que le processus enseignement apprentissage se fasse dans de très bonnes conditions. Faisant de l’éducation autrement leur devise, l’école privilégie les cours extra muros, les sorties pédagogiques, les journées d’incursion, les thé- débats entre autres innovations. Les séances de projection en classe font partie du vécu des élèves. A Darul Hikmah, l’esprit d’équipe, de tolérance et d’acceptation des différences est fortement encouragé. C’est à partir de ce moment que l’on comprend mieux les défis des écoles franco-islamiques qui sont à promouvoir surtout dans un monde marqué par l’intolérance, l’obscurantisme et le fanatisme. Combien de fois avons-nous décrié des formes de violences basées sur l’ignorance et la fougue de la jeunesse ? La position du juste milieu n’a pas toujours été le fil conducteur de l’extrémisme et du fanatisme. Et les écoles franco-islamiques essaient de faire comprendre aux jeunes la dimension purement centrale de ce juste milieu que devrait adopter tout croyant. Nous pouvons être de bons musulmans sans pour autant haïr l’école française. Nous pouvons également être de grands intellectuels sans avoir le complexe de vivre pleinement notre religion. Par voie de conséquence, les écoles franco islamiques contribuent aussi à renforcer le vivre ensemble et surtout consolider le respect de la diversité des profils. Il faut tout simplement ne pas perdre de vue que nous avons à former des citoyens modèles qui placeront l’humain au centre de tout, en se hissant vers l’universel.
En ce qui concerne leur programme, il est de deux types. C’est pendant l’après-midi que les cours de coran et /ou de hadiths et fiqhs se font. En matinée, les apprenants ont droit aux cours de français conformément aux directives du Ministère de l’Education Nationale. L’école comporte plusieurs séries telles que la S1, S2, STEG et L2. Pour chacune d’elles, des élèves dont les profils correspondent y sont orientés. Comme on le dit souvent en pédagogie : « il n’existe pas de mauvaise série, il n’y a que de mauvais choix ». Dans la dynamique d’offrir aux apprenants un bon encadrement, l’administration veille bien aux statuts de ses enseignants. Ainsi, elle se montre très vigilante d’où la bonne sélection de ceux qui y officient. C’est certainement ce qui justifie les bons résultats aux différents examens ( CFEE, BFEM, BACCALAUREAT ).
De la maternelle à la classe de terminale, en passant par les cycles élémentaire et moyen, les élèves semblent très épanouis dans leur environnement. A les entendre réciter l’hymne de l’école, on perçoit des sentiments de satisfaction, de sécurité et d’espoir qui les habitent. Cette école est leur cadre, leur milieu naturel. La plupart des élèves y ont fait toutes leurs humanités. Ils sont de purs produits de l’établissement. C’est pour cela qu’après le bac, ils manifestent leur souhait de voir un jour l’école, érigée en université. Un vœu qui traduit entièrement leur attachement à l’école. Ils n’ont tout de même pas à s’inquiéter, ils ont pu acquérir toutes les armes nécessaires pour se confronter à l’université. Dans cette école, ils ont pu allier savoir, savoir être et savoir-faire. C’est cela même la clé de la réussite (pas seulement académique mais la réussite sur tous
les plans).
FATOUMATA TACKO SOUMARÉ